Pascale Camirand est philosophe éthicienne féministe.

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Le film Femme(s) d’Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand est présentement en salle au Québec. J’ai appris la nouvelle par un intellectuel prétendant que le film n’était pas féministe et qu’il s’agissait de témoignages de femmes libres et autonomes. Je lui ai demandé s’il ne croyait pas justement que le but ultime du féminisme était en quelque sorte que les femmes deviennent libres et autonomes. Il m’a répondu qu’il y avait plusieurs sortes de féminismes. Il semblait croire que je ne connaissais pas ce mouvement politique et ses différents courants de pensée. Il semblait croire que, parce que j’étais sympathique et que j’acceptais de parler avec lui en toute convivialité, je n’étais pas féministe. Après tout, les féministes sont des harpies avec qui il est impossible de parler, n’est-ce pas. Après avoir vu le film sur l’invitation d’un ami cher, je ne pouvais que me demander ce que l’autre homme savant connaissait réellement du féminisme.

Ce film si humain, si tendre, si lucide, si touchant, si grave laisse parler des femmes de partout dans le monde au sujet de leurs conditions d’existence. Car s’il est une chose que les femmes du mouvement des femmes ont voulu faire depuis des décennies, c’est de donner aux femmes un espace de parole pour qu’elles puissent dire dans leurs mots ce que c’est que vivre une vie de femme. Tourné dans cinquante pays, Femme(s) donne la parole à deux mille femmes différentes qui vivent des situations plurielles, tissées de pauvreté ou de richesse, de civilisations développées ou de civilisations que l’Occident considère primitives.

À égalité, les unes à côté des autres, ces femmes ont parlé de leur histoire personnelle, de leur enfance, de leur puberté, de leurs premières relations sexuelles, de leurs orgasmes, de leurs mariages, de leurs enfants, de leur éducation, de leur travail, de leur vie politique.

À égalité, plurielles, elles nous ont rappelé cependant que la condition féminine à travers le monde rencontre toujours l’injustice.

À égalité, plurielles, selon un visage intersectionnel multiethnique, elles nous ont parlé des coups, des insultes, des viols, des mariages forcés, des avortements forcés par l’État, de la prostitution et de la traite des femmes, des tortures que les femmes subissent de la part de soldats pendant les guerres.  Elles nous ont parlé de cela aussi avec une simplicité et une authenticité, en femmes attachantes et touchantes.

Si le féminisme n’est pas cette voie pour faire entendre les voix des femmes, je me demande bien ce que mon intellectuel qui se dit féministe voulait entendre par ce mot.  Car les témoignages de Femme(s) parlent aussi de justice et d’égalité.  Ces femmes demandent : « Pourquoi ? ».  Pourquoi est-ce ainsi ?  Comment se fait-il que les hommes soient si violents avec elles?  Et cela si souvent.  Pourquoi ?

Le film ne donne pas de réponses. Il ne se situe pas au niveau sociologique, anthropologique ou philosophique.  Il se situe à hauteur d’être humaines, toutes, les unes à côté des autres, devant et derrière la caméra.  En cela il donne une leçon aux intellectuelles (sic) qui font actuellement des débats sur les théories féministes et sur ses différentes vagues.  Pourtant ce n’est pas cela qui est important.  Ce qui est vital, c’est l’expérience vécue et nommée qui mentionne des réalités qui existent partout tous les jours dans toutes les régions du Monde. Parce que ce portrait de femme/s parle de tout ce que les femmes vivent en ce monde partout, tous les jours.

Ce chef d’œuvre de lucidité et d’authenticité nous touche en tant qu’être humaine et en tant qu’être humain. Bien que le film ne traite pas directement du versant socio-politique qui relève des décisions des ONG et des gouvernements, d’ONU femmes et de la Marche Mondiale des femmes, on sent bien que parmi ces portraits il y en a qui démontrent que des femmes de partout, plurielles et côte à côte mènent un combat politique que l’on nomme féminisme.