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Le 15 avril pourrait hélas marquer la date où le Premier ministre Legault a dérapé hors de son parcours jusqu’alors contrôlé de la crise du Covid-19, en lançant un cri d’alarme paniqué et désordonné sur les CHSLD. Or, la situation qui y prévaut est dénoncée depuis assez longtemps pour que le discours rose de sa ministre des Aîné-es ne soit plus assez crédible pour rassurer, ni ses sautes d’humeur pour inquiéter, elle qui s’est alarmée à TVA selon Michel Rioux dans l’Aut’Journal : « C’est terrible ! », « je trouve ça épouvantable ! », « c’est inacceptable ! ».

Historique de la question

En 2008, la nouvelle ministre Marguerite Blais du gouvernement Charest déclarait : « les aînés sont une priorité pour notre gouvernement ». Yves Lévesque qui a participé à la commission gouvernementale pour la Loi 16 modifiant diverses dispositions législatives en matière de santé et de services sociaux afin notamment de resserrer le processus de certification des résidences privées pour aînés, adoptée en novembre 2011, a senti le besoin d’exprimer son haut-le-cœur [1], face aux magouilles privées qui ont saboté les bonnes intentions libérales, y compris celles de la bonne ministre Blais. Car elle déclarait avec fierté que « déposer la politique Vieillir chez soi, prévue pour le printemps 2012, sera la priorité du gouvernement » ! On sait comment l’attitude fermée du gouvernement libéral face aux jeunes et sa proximité avec des magouilleurs tels le ministre Tomasi et divers proprios douteux de garderies et maisons de retraite privées ont provoqué ce qu’on a appelé le printemps érable. Et Marguerite, avec un mari aux prises avec la maladie, démissionnera pour effectuer son retour en 2018 au sein de la CAQ.

Francine Pelletier dans Le Devoir écrit : « Outre [les ministres] Marguerite Blais et Réjean Hébert, QUI s’est montré véritablement intéressé à débattre de la question ? Les deux, d’ailleurs, préconisent un tout autre modèle que ces hospices souvent délabrés et presque toujours déprimants : davantage de soins à domicile, pour ce qui est du Dr Hébert, et des Maisons pour aînés du côté de la ministre Blais » (inspirée par le modèle de la Maison Gilles Carle chère à Chloé Sainte-Marie).

chartrandMais le meilleur historique de la question est, tel que ressorti par la députée de Québec Solidaire Catherine Dorion, le discours imagé et concret de Michel Chartrand. Père de sept enfants conçus avec sa femme Simonne (Artiste pour la Paix de l’année 1992, pour ses activités antinucléaires internationales conjuguées à un engagement social et féministe enraciné localement), lorsqu’il empoigne une couche pour illustrer l’indignité dans laquelle on plonge nos aînés, c’est avec une authenticité certaine ! Son discours dénonce la pauvreté érigée en système par les orphelinats des communautés religieuses vite transformés en mouroirs, parce que contrairement aux Chinois valorisant leurs aînés, les Nord-Américains capitalistes y voient « des vieux jetables », attitude sans doute responsable du bientôt million de cas atteints du COVID-19 au nord du Mexique (qui doit avoir hâte que Trump termine son mur !).

Les CHSLD maudits par Legault

S’il est vrai que du renfort est nécessaire dans 41 CHSLD (sur 2600 !), le discours impatient de Legault du 15 avril, au lieu de rassembler, a généralisé à tort des situations graves isolées et en émettant des consignes nationales, a bousculé tout le monde :

  • les infirmières protestant par la bouche de leur syndicat contre une invasion de leurs tâches qui demandent une compétence particulière non transmissible magiquement à tout un chacun. Le fait que 8% seulement des gens qui se sont inscrits sur le site je contribue aient été retenus montre bien cette réticence qui n’est pas corporative mais simplement un désir de voir un travail bien fait ;
  • les médecins spécialistes – 1700 d’entre eux s’étant en dedans de 24 heures autodéclarés désireux d’aider (ce que les médias sociaux ont dénoncé à cause de leurs salaires : damned if you do, damned if you don’t) – « pitchés » dans des foyers pour personnes âgées non préparés pour leur donner des rôles précis et loin d’être habilités, à part les urgentologues, à changer un lourd patient de côté sans se faire une hernie ou sans maltraiter la victime sur une civière instable. Le docteur Carignan de Sherbrooke, devant les taux d’hospitalisation qui augmentent très peu (le nombre de malades en soins intensifs diminue, même), communiquait à 13 heures le 16 à RDI avec un sourire, que des chirurgiens devraient plutôt être réautorisés à opérer leurs malades, plutôt que de répondre à « une opération politique de M. Legault ». De toute façon, les médecins spécialistes n’ont pas oublié que le ministre péquiste de la Santé Legault avait fait appel aux policiers – ce que même le ministre libéral Barrette n’a jamais fait – pour les forcer à venir assurer des shifts de travail supplémentaires ;
  • les préposées aux bénéficiaires et employés des services d’entretien insultés par le discours assurant les médecins qu’ils n’auraient pas à s’abaisser à « laver les planchers », maladresse d’un haut dignitaire n’ayant pas encore compris que la COVID19 a nivelé les tâches, toutes essentielles si on veut le vaincre. Il s’agit d’une grogne réelle qui serait mille fois plus apparente si les gestionnaires des CHSLD n’imposaient pas à tout leur personnel « une entente de confidentialité qui les empêche de parler ouvertement aux médias ». C’est dans cette crainte qu’employés et infirmières de CHSLD et de maisons privées – tel l’infâme Herron de Dorval au proprio aux antécédents criminels – n’osent même pas reprocher à leurs gestionnaires de les mettre en danger en leur cachant l’avancée de la COVID-19 à l’intérieur de leur lieu de travail, certains trouvant comme seul moyen de protection de se déclarer malades ;
  • quatre mille préposéEs au service à domicile pour les aînés mis à pied ( !?) et d’autres délaissant leur travail pour le CU canadien de 2000$ mensuels ou migrant vers les CHSLD pour la surprime ;
  • les gestionnaires de CHSLD appelés à ouvrir leurs portes aux familles proches aidantes dûment identifiées comme non-porteuses du virus le même jour où la conférence de presse exige un renfort immédiat : allô débordements de leurs tâches et de confusions aux portes d’entrée !

 

La pandémie nous force tous à nous regarder dans le miroir : est-il normal de dépenser si peu pour celles et ceux qui s’occupent de nos personnes âgées (ou de nos garderies aussi appelées à rouvrir leurs portes à partir du même jour) ? Il est temps que le gouvernement aplanisse cette autre courbe de distanciation entre salaires élevés des banquiers et courageux travailleurs de l’ombre dans nos hôpitaux.

Un mot canadien et international

À Hamilton, ville de tradition syndicale ouvrière, le militant Ken Stone anime un collectif pacifiste appelé Hamilton Coalition to Stop the War dont on a traduit une lettre à Trudeau publiée sur ce site : notre introduction mentionnait l’Organisation Mondiale de la Santé [2], dont l’appel à tester a motivé d’abord les instances médicales québécoises, alors que les morts des autres provinces non auparavant testés ne sont donc pas déclarés victimes du Coronavirus dans leurs statistiques favorisées en apparence. L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ se voit sauvagement attaquée par Donald Trump qui a trouvé un maillon faible qu’il puisse blâmer pour sa propre gestion catastrophique de la COVID-19 qui fait subir aux États-Unis un nombre record mondial de morts, en proportion deux fois plus élevée chez les Noirs que le pourcentage de la population qu’ils représentent. Trump accuse avec racisme le Noir qui dirige l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus (qui possède un doctorat en santé communautaire) d’être contrôlé par les Chinois, sous prétexte qu’ils ont aidé à rebâtir l’Éthiopie dont il était ministre, et en profite pour accuser aussi les Chinois d’avoir caché des informations permettant de mieux contrôler le Coronavirus, double racisme utile aux ambitions électoralistes du suprématiste blanc. Les Américains annoncent – comme les démocrates s’indignent, donc je reprends la phrase – le président Trump annonce qu’il suspend la subvention annuelle américaine évaluée à $115 millions par an (et non 400 millions énoncés par certains médias) par l’OMS qui signale en outre un important arriéré à cet effet pour 2019. L’organisme pacifiste féministe CODEPINK en a profité pour calculer que les payeurs de taxes américains versent $80 millions à chaque heure au Pentagone !

Saluons au Canada une première réaction contre le discours de Trump – et ce n’est pas trop tôt – de la part de la Vice-Première ministre Chrystia Freeland, appuyée par la Ministre de la Santé Patty Hajdu et la Dr. Theresa Tam, qui joue au Canada le rôle du Dr Horacio Arruda au Québec : le trio féminin a défendu la coopération du Canada avec les institutions multilatérales telles que l’ONU et l’OMS. La directrice de la Sécurité internationale au Ministère des Affaires globales s’en réjouira certainement, en espérant que son patron Philippe-François Champagne quitte son rôle de matamore anti-syrien et anti-iranien pour adopter la même posture coopérative.

C’est l’essence des recommandations des Artistes pour la Paix au Canada depuis notre création en 1983. Et bien sûr nous avons déploré depuis février 2014, pendant deux ans et demi sans aucune relance médiatique, que le Canada vende des blindés à l’Arabie saoudite en guerre avec le Yémen et où le Prince Mohammed Bin Salman vient de procéder à sa 800e exécution depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2015. Nous dénonçons depuis 2016 (nos lecteurs connaissent notre refrain censuré par les médias autres que l’Aut’Journal), que Trudeau accorde pour satisfaire l’OTAN $70 milliards à la construction de navires de guerre Irving/Lockheed Martin !


[1] Ne pas confondre avec l’ex-maire conservateur de Trois-Rivières. Voir cet article.

[2] Voir article du 17 mars et celui du 30 mars.