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Le directeur de la Santé publique Horacio Arruda, le Premier ministre François Legault et la ministre de la Santé Danielle McCann. Photo Jacques Boissinot PC

L’urgence coronavirus (Covid19)

Aujourd’hui 15 mars, je romps l’entente tacite et rigoureuse de ne jamais écrire à propos de Colette Bellavance qui partage pourtant ma vie depuis 23 ans. Au CIUSS de l’Estrie-CHUS, son travail exigeant, auquel l’ont préparé vingt années comme urgentologue, consiste avec l’aide de plusieurs directrices adjointes à coordonner les tâches (et quarantaines obligées pour causes de retour de voyage, âge avancé ou autres) des mille deux cents médecins de l’Estrie (de Cowansville à Lac Mégantic en passant par l’hôpital universitaire de Sherbrooke, etc.). Toutes s’unissent pour tenter courageusement, quotidiennement et solidairement d’enrayer médicalement la crise mondiale du Covid19. Pouvons-nous suspendre le médecin-bashing quelques mois pour vanter leur rôle et celui admirable des infirmières, dont plusieurs retraitées n’hésitent pas à offrir leurs services pour revenir soigner ou en tout cas évaluer médicalement les nombreux patients inquiets qui toussent en cette fin d’hiver ?

Tout ce beau monde réagit par une offensive vigoureuse, jour, nuit et fin de semaine, pour que notre système médical n’atteigne jamais la dégradation des services observée en Italie où le débordement est tel qu’on n’a pas le choix de laisser mourir sans soin dans des tentes d’accueil les plus de soixante ans. Ce n’est pas le temps d’accabler les Italiens de reproches pour le sabotage de l’état par leurs populistes, mais il sera intéressant de voir si, aux États-Unis, Trump et Biden (qui prend de l’avance sur Sanders en vue de la convention démocrate) vont continuer à décrier « notre système de médecine socialiste »…

Reconnaissons que notre Premier ministre François Legault agit avec l’énergie d’un bon père de famille en nous informant chaque jour des progrès inéluctables de la maladie et surtout en appliquant différentes mesures impopulaires (dont plusieurs s’offusqueront en blâmant le messager plutôt que la maladie). Des fermetures drastiques affectent nos milieux culturels et d’information déjà fragilisés par l’invasion des GAFAM : pensons à la Ligue Nationale d’Improvisation, à nos compagnies de danse qui voient leurs tournées européennes annulées sans compensation alors qu’elles constituent leur principal gagne-pain et à nos fragiles associations musicales et théâtrales, ainsi qu’aux salles d’expositions de nos musées et galeries. Une pétition change.org circule pour offrir des dons aux pigistes démunis. Et pensons aussi à certaines compagnies d’aviation qui profitent de la crise pour envoyer au chômage des milliers de travailleurs syndiqués…

L’urgence environnementale

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Un directeur d’école verte Brundtland de la Rive-Sud et Pierre Jasmin encadrent Gro Brundtland, en visite-éclair à Montréal le 7 septembre 2017.

Les Artistes pour la Paix appellent depuis des années nos responsables politiques à réagir contre la dégradation de notre environnement par un développement sauvage au détriment des générations futures et des pays pauvres (où Alain Deneault a dénoncé les ravages par les minières canadiennes en Amérique centrale, du Sud et en Afrique).

  • Cela avait officiellement commencé par le rapport Brundtland, intitulé Our Common Future et traduit par des Québécois (une fierté nationale!) sous le nom de Notre avenir à tous, publié en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies. La commission avait été pilotée par Gro Brundtland, tour à tour ministre de l’Environnement et première ministre de Norvège, devenue par la suite présidente de l’Organisation Mondiale de la Santé (voir photo précédente).
  • En 1990, la Déclaration de Vancouver issue du colloque de l’UNESCO « La science et la culture pour le XXIe siècle : un programme de survie » (notons déjà l’emploi menaçant de ce terme de survie!), contenait une communication de Pierre Dansereau, pionnier de l’écologie qui a donné son nom au Pavillon des Sciences de l’UQAM. On y entend des conférences par les universitaires écologiques Lucie Sauvé, Louise Vandelac, René Audet, Corinne Gendron…
  • En 1991, Richard Séguin signait le spectacle de l’an 1 des Artistes pour la Paix [1] au Spectrum rempli, devant les chefs des principaux syndicats, dont Lorraine Pagé de la CEQ. Le discours écologique de Dansereau y fera sa plus grande émule en la personne de la regrettée Monique Fitz-Back, enseignante, pionnière et syndicaliste, cofondatrice des Établissements verts Brundtland (nos écoles EVB). Lise Payette, en marge des partis politiques, anime la même année le documentaire de l’Office National du Film par Jean-François Mercier, Les quatre cavaliers de l’Apocalypse, avant-gardiste par ses témoignages, dont celui d’Harvey Mead, sur la dégradation de l’environnement: le film dénonce la plaie mondiale des déchets domestiques, des 30 000 produits chimiques toxiques, des cours d’eau contaminés et des ressources forestières gâchées, dont la gestion catastrophique sera dénoncée huit ans plus tard aussi par le film erreur boréale de Richard Desjardins.
  • L’Association Québécoise de Lutte contre la Pollution Atmosphérique œuvre depuis bientôt quarante ans avec André Bélisle.
  • Le Pacte pour la transition lancé par Dominic Champagne [2] est soutenu par des centaines d’artistes, de personnalités publiques et de scientifiques québécois, ainsi que par des centaines de milliers de citoyens, par la DUC, Eau-Secours (Raôul Duguay) et Nature Québec.
  • Enfin, on est privilégiés d’avoir une revue d’idées comme l’Aut’Journal qui soutient, surtout avec sa parution électronique hebdomadaire, notre lutte pour une planète verte.

 

Comment ne pas critiquer les gouvernements qui ne prennent pas au sérieux tous ces avertissements et ont refusé de réagir comme ils le font si bien aujourd’hui dans leurs luttes contre la Covid19 ? Il est intéressant de constater que les mesures radicales prises en Chine et ailleurs, telle l’interruption d’activités normales économiques, ont déjà sauvé au bout de deux mois et demi des dizaines de milliers de victimes habituelles de la pollution engendrée par ces activités économiques, telle l’exploitation du charbon suspendue. Mais on ne peut pas souhaiter que la crise se continue pour que de tels effets bénéfiques se poursuivent. Que faire pour sauver les autres innombrables victimes annuelles ?

L’urgence nucléaire

Il est une autre urgence dont seuls le pape, Pugwash, les Premières Nations et nous semblons parler : l’urgence nucléaire. On lira à ce sujet notre document urgent, destiné aux spécialistes et adressé au Ministère canadien des Affaires globales qui sollicitait notre avis au plus tard le 13 mars, à six semaines d’une session à New York du Traité de non-prolifération nucléaire, en grand danger : on le trouvera tel que nous l’avons envoyé sur le site des Artistes pour la Paix, sans s’illusionner que notre document ait quelque chance de convaincre ces bureaucrates effrayés par le complexe militaro-industriel; tout au plus, quelques-uns d’entre eux arriveront-ils, par leur courage, à arracher de menues concessions aux politiciens inertes.


[1] On y distinguait outre Richard, sa sœur Marie-Claire, Michel Rivard, Kashtin avec Florent Vollant, Arthur Lamothe, Maryvonne Kendergi, les humoristes Dany Turcotte et Pierre Verville.

[2] De Laure Waridel, lire La transition, c’est maintenant éditions ÉCOSOCIÉTÉ 2019