Louis-Philippe Jasmin est étudiant au CEGEP de Sherbrooke.
Ce texte a été publié initialement dans L’Aut’Journal.

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Photo de la manif de Sherbrooke par Spectre Média – Maxime Picard

Sherbrooke, une des cinquante villes du Québec en grève

Plus de 5000 personnes (selon la police) ont marché pour le climat vendredi le 27 septembre à Sherbrooke, ce qui a constitué la plus grande manifestation de l’histoire de la ville. C’est « une marée humaine » (expression de la Tribune) qui est partie de l’Université de Sherbrooke en début d’après-midi, a pris une petite pause au parc Jacques-Cartier, pour terminer sa marche à l’Hôtel de Ville, sans aucun incident.

On est le 28 septembre, au lendemain d’une participation record mondiale et québécoise à la grève pour le climat. J’ai 19 ans et je tenais à y être, même si normalement le vendredi je travaille pour le marché public d’Eastman. Fier de ne pas travailler sous les arches d’une multinationale de fast food, j’ai demandé pour l’occasion à mes patrons un congé qu’ils ont bien accepté, probablement parce que le modèle du marché public fait partie de la solution, non du problème.

Au cours de ma marche à Sherbrooke, j’ai pu voir une foule diverse de par leurs opinions politiques ou leur statut social : des anarchistes/communistes qui déclaraient la « guerre au Capital » aux militants plus âgés du Bloc québécois, en passant par des élèves du secondaire (voir du primaire), tous et toutes unis derrière la cause de l’environnement.

Une mobilisation historique

J’ai pu entendre des discours inspirants au parc Jacques-Cartier, qui nous ont rappelé les assassins de notre Terre commune qu’ils ont nommés néolibéralisme, surconsommation, colonialisme etc.

Mon père, inlassable pacifiste de retour d’Ottawa où il avait participé à un congrès antinucléaire dans un monde obnubilé par la guerre, s’est joint à la manif de Montréal où une foule au centuple de celle de Sherbrooke marchait pour la survie de la planète. Ces gens de divers horizons étaient galvanisés par la présence et les mots inspirants prononcés par la jeune Suédoise activiste Greta Thunberg. On peut lui donner le crédit d’avoir créé une volonté de masse de protéger la Terre, là où les scientifiques et autres personnes conscientes ont malheureusement échoué à susciter cet entraînement collectif, dans les quarante dernières années.

Cette très jeune gréviste de son école, qui a commencé seule un vendredi avec une petite pancarte il y a un an, a entraîné le monde entier, hier comme il y a une semaine, le 20 septembre.

Y a-t-il des solutions électorales pour la planète ?

Je suis pessimiste face aux prochaines élections où deux partis qui se partagent le pouvoir depuis le début du projet colonial nommé « Canada » déclarent sans y croire leur volonté de « combattre » les changements climatiques :

– le premier, qui a formé le dernier gouvernement, s’est dit écologiste, tout en achetant un pipeline acheminant du pétrole sale et pour $70 milliards de bateaux de guerre.

– l’autre parti, constitué de cinglés fanatiques du pétrole, a tout fait durant son dernier règne pour censurer écologistes et scientifiques informant la population de la nocivité du pétrole bitumineux de l’Alberta et va certainement répéter ses méfaits, s’il reprend le pouvoir le 21 octobre prochain.

À nous, en particulier le demi-million de jeunes qui vont voter pour la première fois comme moi, d’effectuer un choix électoral le 21 octobre prochain, prioritairement basé sur le genre de planète qu’on veut laisser aux prochaines générations et fondé sur la meilleure façon d’influencer le gouvernement (libéral ou conservateur) qu’on espère de tout cœur minoritaire et forcé de pactiser pour gouverner.

Sinon, quelles actions concrètes ?

Où sont les actions concrètes pour éviter le scénario-catastrophe d’une augmentation de 7 degrés d’ici 2100, annoncé récemment par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) [1] ? Quelles solutions efficaces, multiples, complexes, individuelles et (surtout) collectives, pour un problème qu’on est loin d’avoir réglé et que peut-être on ne va jamais régler entièrement ? Comment bouder le conformisme en général qui perpétue ce système qui pille, colonise, vole, meurtrit la planète et ses habitants depuis près de 200 ans ?

Pour finir, sans vouloir moraliser, encourageons moins les multinationales et davantage les marchés publics, modèles de consommation beaucoup plus humains et compatibles avec la Terre. Créons des alternatives en joignant des groupes solidaires comme La Planète s’invite AU TRAVAIL (une initiative intersyndicale), La planète s’invite à l’UNIVERSITÉ, la Planète s’invite AU PARLEMENT et La Planète s’invite AU COMMUNAUTAIRE.

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Photo Caroline G. Murphy


[1] http://www.cnrs.fr/sites/default/files/press_info/2019-09/DP_confpresse_CMIP6_OK.pdf
Par ailleurs, l’OBS du 26 septembre écrit sous la plume d’Audrey Pulvar : bilan 2019, 5e année consécutive « la plus chaude » jamais enregistrée : des forêts et plaines dévastées par des incendies; des sécheresses toujours plus intenses et longues; des canicules toujours plus violentes et atypiques; un millier de disparus en un seul cyclone balayant les Bahamas; des centaines de milliers de morts prématurées annuelles en Europe du fait de la pollution atmosphérique [combien en Chine, en Corée et au Japon !]…