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Emma Gonzalez, rescapée de la tuerie du Marjory Stoneman Douglas Highschool.

Aux États-Unis

Lors d’un rassemblement contre les armes à Fort Lauderdale en Floride, une élève rescapée de la tuerie du Marjory Stoneham Douglas Highschool, Emma Gonzalez, a déclaré : « Si le président me dit en face que ce fut une terrible tragédie et qu’on ne peut rien y faire, je lui demanderai combien il a touché de la National Rifle Association. Je le sais : 30 millions de $. Divisés par le nombre de victimes par balles aux États-Unis en 2018 seulement, cela fait 5800 $. C’est ce que valent ces gens pour vous, Trump ? » Retransmise en direct sur les chaînes d’info continue sans la censure habituelle, ce cri du cœur s’est poursuivi : « Nous allons être les enfants dont on parle dans les manuels scolaires. Pas parce que nous serons une nouvelle statistique sur les fusillades en Amérique, mais parce que nous allons changer la loi. »

Le 24 mars, a eu lieu une gigantesque manifestation à Washington, pour l’organisation de laquelle l’acteur et réalisateur américain George Clooney a décidé d’aider. Voici sa déclaration : « Amal et moi sommes si inspirés par le courage et l’éloquence de ces jeunes garçons et filles de l’école Stoneham-Douglas que nous avons décidé d’accorder à l’organisation de la manifestation du 24 mars à Washington, au nom de nos enfants Ella et Alexander, un don de 500 000$. » Oprah Winfrey et d’autres artistes ont généreusement emboîté le pas. 

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Des dizaines d’adolescents se sont allongés au sol devant la Maison-Blanche, lundi le 19 février 2018, pour réclamer que Donald Trump agisse en matière de contrôle des armes à feu. PHOTO EVAN VUCCI, ASSOCIATED PRESS

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D’autres jeunes manifestants devant le Capitole à Washington.

La manif a été appuyée par les organisations féministes, avec des pancartes éloquentes : le code vestimentaire des filles est plus règlementé que les armes à feu; si les Républicains aimaient autant nos vies que celles dans nos utérus, nous serions protégées.

www.codepink.org a révélé d’autre part que le tueur Nikolas Cruz a été entraîné par un programme de la U.S. Army Junior Reserve Officers’ Training Corps (JROTC) alors qu’il était élève au high school. La JROTC donne (expression fausse puisque les écoles les paient avec de l’argent soustrait aux programmes d’éducation) aux enfants des leçons de tirs, souvent par des soldats retraités qui n’ont aucun diplôme en pédagogie et qui vantent la carrière militaire comme débouché naturel aux plus habiles instincts de tueurs.

Par ailleurs, un mouvement #BoycottNRA cible les entreprises partenaires du lobby des armes dont un certain nombre ont annoncé qu’elles cesseraient leurs partenariats avec la NRA. Mouvement significatif ou éphémère ? Faute de fonds et d’organisation, on découvrira en lisant cet article que même au Canada, le contrôle des armes nécessiterait de voir se joindre à la courageuse Heidi Rathjen de nouvelles combattantes aussi déterminées qu’Emma Gonzalez.

Ma fille ado me signale une blague qui court sur le net selon laquelle des responsables ayant installé des filets de sécurité autour d’une plage en proie à plusieurs attaques mortelles de requins, la méthode Trump aurait plutôt consisté à inviter tous les baigneurs à venir accompagnés de leur requin apprivoisé…

Une nouvelle loi canadienne sur les armes à feu

Au Canada, le ministre libéral Ralph Goodale a annoncé une nouvelle loi à la Chambre des Communes mardi le 21 mars en évoquant la statistique suivante :

Il y a eu 2 465 infractions criminelles impliquant des armes à feu en 2016, soit une augmentation de 30 % depuis 2013 (Statistique Canada; CANSIM 252-0051). Les homicides commis à l’aide d’armes à feu ont augmenté de deux tiers – de 134 en 2013 à 223 en 2016 (Statistique Canada; Enquête sur les homicides).

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Manifestation dans les rues de Montréal le 24 mars.

Alors pourquoi un tel projet de loi décevante, faible et timorée ? Le projet a-t-il souffert du lobbying intense effectué par les riches fanatiques d’armes à feu [1] ? La co-porte-parole de polysesouvient Nathalie Provost, une étudiante de Polytechnique rescapée du massacre de 1989, s’est rendue le 24 mars à Washington, après avoir reconnu que si la loi canadienne représentait un petit progrès dans la vérification des antécédents des acheteurs dont les coordonnées devront être inscrites par les marchands d’armes, elle n’instaure pas comme au Québec de registre des armes. Et elle a avec raison déploré qu’on n’interdise pas les armes d’assaut ou armes semi-automatiques : l’AR-15 a tué, au cours des quatre dernières années, 173 personnes aux États-Unis [2] et un autre modèle a « servi » à la mosquée de Québec :

Boufeldja Benabdallah, vice-président du Centre culturel islamique de Québec: Nous avons vu les dégâts que les armes à feu peuvent causer lorsqu’elles tombent entre de mauvaises mains. Six veuves et 17 enfants pleurent toujours le massacre de leur mari et de leur père. Comment le gouvernement peut-il répliquer avec un projet de loi aussi timide ?

Meaghan Hennegan, survivante de la tuerie au Collège Dawson: Nous sommes particulièrement déçus de l’échec du gouvernement Trudeau à aborder la disponibilité légale des armes d’assaut. L’arme qui a été utilisée pour tirer sur moi et nombreux de mes camarades de classe est plus facilement accessible qu’alors. C’est totalement ridicule ! Les Libéraux ont été élus majoritaires sur la base d’une plateforme pro-contrôle et la grande majorité des Canadiens est en faveur d’une interdiction des armes d’assaut, y compris la majorité des propriétaires d’armes à feu ! Sur l’enjeu des armes d’assaut, il semble bien clair que le gouvernement Trudeau se soit rangé du côté du lobby des armes à feu et non de l’intérêt public.

Il sera intéressant de voir les réactions du NPD et du Bloc, en espérant que les deux partis déploreront, à l’instar des APLP, qu’on n’instaure pas un vrai registre informatisé, avec possibilités de mandats de perquisition par la Gendarmerie Royale. En passant, saluons la décision courageuse de Trudeau (ce n’est pas Harper qui aurait fait cela!) de nommer une femme, Brenda Lucki, à la tête de cette institution aux incidents de harcèlements misogynes et anti LGBTQ aussi nombreux et horribles que ceux dans l’armée documentés par le rapport de la juge Marie Deschamps.

Les APLP ont appuyé tous les efforts de contrôle des armes à feu depuis les toutes premières années 90 où Richard Séguin, notre président d’honneur, chantait lors des commémorations de la tuerie, puis par les interventions de Jean-Louis Roux au Sénat pour instaurer la première loi canadienne sur les armes à feu, en persuadant ses collègues dont le juriste conservateur Gérald Beaudoin, avec des informations et statistiques que lui fournissaient Heidi Rathjen et Pierre Jasmin.

PS LE COLLECTIF POLYSESOUVIENT DANS SA PUBLICATION DU 24 FÉVRIER 2018 NOUS INCLUT GÉNÉREUSEMENT À CAUSE DE NOS ARTICLES DANS L’AUT’JOURNAL:

« à tous les groupes qui ont déposé un mémoire notamment ceux qui ont envoyé copie :

  • Afeas régionale de Québec-Chaudière-Appalaches
  • Association des policières et policiers provinciaux du Québec
  • Association québécoise de prévention du suicide
  • Association québécoise Plaidoyer-Victimes
  • Association pour la santé publique du Québec
  • Artistes pour la Paix
  • Centre ressources pour femmes de Beauport
  • Conseil central des syndicats nationaux de l’Estrie–CSN
  • Département de pédiatrie du CHU Sainte-Justine et Université de Montréal
  • Fédération des maisons d’hébergement pour femmes
  • PolySeSouvient
  • Relais Femmes
  • Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec
  • Y des Femmes de Montréal (YWCA)

[1] Pour une idée de leur état d’esprit au Québec, lire: http://www.artistespourlapaix.org/?p=14304

[2] http://polysesouvient.ca/Documents/PRSS_18_03_20_Reaction_ProjetDeLoi_Goodale.pdf