Le 12 novembre à 14h à la Place Émilie-Gamelin en face de l’UQAM.

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On reconnaît l’artiste pour la paix Pierre Jasmin tenant la bannière du 12 novembre.

Un climat toxique

Depuis plusieurs années, nous assistons à la montée d’un discours raciste et haineux dans l’espace public québécois. Certaines surenchères nationaleuses de membres du Parti Québécois et de la CAQ quant à la « charte des valeurs » (2013), la montée des partis populistes et xénophobes en Europe et surtout l’élection de Donald Trump aux États-Unis ont galvanisé une extrême-droite bien de chez nous. Celle-ci se dévoile au grand jour et multiplie les coups d’éclats et polémiques racistes. Loin de la refroidir, l’attentat à la mosquée de Québec semble avoir propulsé son discours haineux, de plus en plus banalisé, dans l’espace public. Les groupuscules xénophobes et racistes ont depuis multiplié les manifestations, organisé une campagne victorieuse contre un cimetière musulman à Saint-Apollinaire, diffusé un discours xénophobe à l’endroit des demandeuses et demandeurs d’asile Haïtien.ne.s, et ont même réussi à normaliser la peur et l’intolérance dans l’espace public et à légitimer leurs organisations pourtant fondées sur la haine. Les politicien.ne.s et chroniqueurs-poubelles ne sont pas en reste dans le développement de cette ambiance morose. Ils jouent par opportunisme au pyromane en alimentant les flammes de l’intolérance, tout en ignorant la violence grandissante de l’extrême-droite québécoise.

C’est assez : reprenons l’initiative!

Au cours des derniers mois, plusieurs groupes ont commencé à s’organiser en réponse à ce climat qui s’aggrave rapidement. Des contre-manifestations ont été organisées à plusieurs reprises pour riposter aux rassemblements de l’extrême-droite (par exemple à Québec [1]). Des contre-discours produits et diffusés démasquent la haine et le racisme latents de ces organisations. Malheureusement, l’extrême-droite continue d’avoir le vent dans les voiles.

Malgré cela, nous savons que nous sommes des milliers de québécois.e.s inquiet.e.s et outré.e.s de cette situation. Le 12 novembre prochain, appelons toutes les personnes qui s’opposent au racisme, à la haine et à l’extrême-droite à descendre massivement dans les rues pour faire entendre notre indignation collective. Prenons la parole ! Prenons la rue !

  • Opposons-nous au racisme, au colonialisme, au machisme, à la transphobie et à toutes les formes de haine véhiculées par l’extrême-droite
  • Défendons une société sans frontières, solidaire et inclusive
  • Dénonçons le militarisme, le capitalisme et l’austérité qui sont eux — et non pas les immigrants ou les personnes racisées — à l’origine de la misère et de l’insécurité grandissante dans notre société
  • Appelons à descendre dans la rue le 12 novembre à Montréal. L’amour est plus fort que la haine !

 

 

Le 1er novembre à 10 heures, avait lieu au Centre Pierre-Péladeau pour présenter les idées précédentes une conférence de presse, animée en français par quatre jeunes fort articulés.

  1. Jaouad Laaroussa, étudiant et principal organisateur de cette marche, a rappelé que déjà plus de 140 groupes, dont plusieurs associations étudiantes facultaires de l’UQAM, s’unissent pour dénoncer la montée d’un climat toxique au Québec et partout en Occident qui s’attaque aux racisés (Noirs et autochtones, principalement, au Canada). Il a dénoncé le régime d’austérité du parti Libéral du Québec, qui vient en outre de réagir à sa lourde défaite aux mains de la CAQ dans une élection partielle à Québec, en annulant la Commission sur le racisme systémique qui aurait permis d’en identifier les causes.
  2. Safa Chebbi, militante anti-coloniale membre de l’exécutif d’Alternatives, a ensuite  identifié les discriminations dont souffrent les femmes autochtones, trois fois plus victimes de violences sexuelles, et les autres personnes racisées dont le salaire plafonne encore à 30% de la moyenne nationale, sans compter les difficultés rencontrées par les Noirs et les femmes voilées à trouver emploi, logement et même parfois soins de santé équitables. Elle a conclu en lançant : « Non au racisme, oui à l’égalité! »
  3. Marlihan Lopez, afro-féministe et co-vice-présidente de la Fédération des Femmes du Québec, a dénoncé les dérives de la loi 62 qui sous un prétexte fallacieux de sécurité (caricature de la mitraillette sous la burka), impose des interdictions vestimentaires aux femmes, uniquement. Elle a aussi dénoncé une certaine dérive de certains mouvements féministes à cet égard.
  4. Anas Bouslikhane, membre de Solidarité sans Frontières et du Collectif de résistance antiraciste de Montréal, a aussi dénoncé le parti Libéral « qui fait pire que le PQ », ainsi que les propos racistes des radios-poubelles. Les médias dépeignent, par exemple, les Haïtiens comme envahissant nos frontières illégalement, alors qu’ils sont pourtant acceptés à 52% dès leur arrivée au Canada et que les autres se soumettent de plein gré à des enquêtes qui concluent le plus souvent à leur droit à l’immigration.

 

Dans la période de questions qui a suivi, Pierre Jasmin s’est levé pour s’associer à la manif du 12 novembre, s’identifiant comme co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix [2] avec Tess Tesaluna du groupe Femmes d’Origines diverses. Après avoir félicité les quatre animateurs de la conférence de presse pour leurs discours éclairants, il a souhaité y ajouter une analyse de la part énorme du militarisme [3] dans le développement du climat toxique violent, haineux et raciste.

«  Je voudrais rappeler la part de haine raciste militariste dans l’invasion de l’Irak par les Bush et Blair, alors qu’au Québec, les Artistes pour la Paix co-organisaient des manifestations d’un quart de million de personnes, persuadant ainsi Jean Chrétien de refuser le soutien du Canada à cette attaque – l’ONU (Hans Blix) avait disculpé le gouvernement irakien de possession d’armes de destruction massive -.

Quelle est la part de haine raciste militariste dans le bombardement par l’OTAN de l’hôpital Kunduz tenu par les Médecins sans Frontières présidés par l’urgentologue montréalaise Joanne Liu en Afghanistan le 3 octobre 2015 [4] ? Le MQP est descendu dans la rue le 14 octobre dernier [5], pour dénoncer l’OTAN, par exemple son bombardement de la Libye en 2011 : depuis lors, on rapporte des centaines, voire  des milliers de morts CHAQUE MOIS, tant chez les réfugiés qui tentent de franchir la Méditerranée, que chez les victimes des terroristes armés par les armes de Kadhafi tombées en Afrique entre les mains des factions islamistes Al-Chabbab, Al-Qaeda, Boko Haram et Armée islamique.

Quelle est la part de haine raciste militariste dans la vente par le complexe militaro- industriel occidental d’avions-chasseurs-bombardiers qui coûtent des dizaines de milliards de $ et qui n’ont rien à voir avec la défense de notre pays, ainsi que l’exportation de mines anti-personnel, bombes à fragmentation, bombes à uranium appauvri, armes chimiques, par exemple à phosphore, et drones armés s’attaquant notamment au Pakistan, à la Syrie, à l’Afghanistan et au Soudan? Rappelons la complicité des Premiers ministres Harper et Trudeau dans la vente de 12 milliards de $ de blindés canadiens au pays qu’on considère notre allié, l’Arabie Saoudite [6], même s’il promeut le salafisme radical misogyne et s’attaque sans merci au Yémen et au Soudan, y causant des centaines de milliers de victimes.

La haine raciste militariste est donc en grande partie responsable de          l’accroissement exponentiel des réfugiés que le Haut-Commissariat des Réfugiés de l’ONU [7] chiffre maintenant à soixante-six millions, que ce soient les Rohingyas expulsés de Birmanie vers le Bengladesh ou les populations migrant de Syrie, d’Afghanistan, de Somalie, de Palestine, de Libye ou d’Égypte, suite à des coups d’états ou des guerres principalement commandités par les Américains.

Enfin, la haine suprémaciste ne pousse-t-elle pas cinq des neuf pays possédant armes de destruction massive à intimider les pays membres de l’OTAN, dont le Canada, en les forçant à boycotter le Traité d’interdiction des armes nucléaires ? Ce Traité, qui aurait pour effet de priver le complexe militaro-industriel de centaines de milliards de $ de revenus, fut négocié par l’ambassadrice du Costa Rica (pays sans armée) Elayne Whyte Gomez que le Réseau canadien pour l’abolition des armes nucléaires a invitée à Ottawa le 25 septembre dernier [8], mais que nos médias ont ignorée. Le Traité est pourtant appuyé par les deux tiers des pays membres de l’ONU, par son Secrétaire général Antonio Guterres et par le directeur du comité international de la Croix Rouge (Croissant Rouge). Quel racisme haineux a justifié en 1945 l’odieux bombardement de Nagasaki trois jours après celui de Hiroshima dont avait été victime Setsuko Thurlow ? Japonaise naturalisée canadienne, collègue à Pugwash Canada, madame Thurlow a été choisie par la Coalition internationale pour l’Abolition de l’Arme Nucléaire (ICANW.org) pour recevoir en décembre à Oslo le prix Nobel de la Paix 2017 [9]. Quel courage face au militarisme canadien ! »

Pierre Jasmin, 7 novembre 2017
Co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix, Artiste pour la Paix, membre de l’exécutif de Pugwash Canada et membre du comité de direction du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire

 

Pour ceux et celles qui prônent avec raison la laïcité de l’état et la suppression du crucifix de l’Assemblée nationale, qui se méfient des groupes engagés dans cette manifestation parfois associés à des positions anti-québécoises, je me déclare personnellement d’accord avec les analyses faisant de l’islamisme radical une des causes du climat toxique. Par contre, à connaître les conséquences des guerres romaines contre la religion chrétienne et à lire les 923 pages de la saga historique une colonne de feu du Britannique Ken Follett faisant état des guerres de religions entre protestants et catholiques au 16e siècle, la persécution et la chasse aux sorcières voilées me semblent constituer une stratégie hautement contre-productive, comme l’histoire nous l’a enseigné. Pour combattre les religions misogynes et doctrinaires (ne le sont-elles pas toutes, à des degrés divers?), mon credo de pacifiste m’indique la marche à suivre : écrire encore et encore; par contre, laissons-les vivre, sans les victimiser (puisque leurs croyances les victimisent déjà…). Faire autrement les fanatisera davantage.


[1] http://lautjournal.info/20170825/quebec-et-la-paix-sociale-apres-le-20-aout-2017

[2] http://lautjournal.info/20170623/manifestation-contre-larme-nucleaire-au-coeur-de-montreal

[3] Le militarisme percole au Québec dans les manifs de la Meute, des Soldats d’Odin, de la Fédération des Québécois de souche, de l’Atalante, d’Horizon Québec Actuel (reconnu par Marine Le Pen), etc. Le militarisme d’extrême-droite gagne maintenant des gouvernements des pays de l’Europe de l’Est telles l’Ukraine, la Hongrie, l’Autriche et la Tchéquie, après avoir contribué à installer au pouvoir les Donald Trump à Washington, général el-Sissi au Caire, Erdogan à Ankara et Netanyahu à Tel-Aviv.

[4] http://www.artistespourlapaix.org/?p=7748

[5] http://lautjournal.info/20171013/invitation-du-mouvement-quebecois-pour-la-paix

[6] Ce texte fut écrit avant les actions du prince héritier Mohammed ben Salman dont il ne faut pas attendre trop d’effets positifs, vu ses antécédents guerriers.

[7] Le directeur du UNHCR, M. Filippo Grandi, en visite à Montréal le 3 novembre 2017, a rendu publique la statistique honteuse que les pays riches occidentaux ont accueilli moins de 1% des réfugiés et que la fermeture des frontières américaines par le président Donald J. Trump pourrait aggraver ces statistiques.

[8] http://www.artistespourlapaix.org/?p=14125

[9] http://lautjournal.info/20171103/une-canadienne-se-rendra-oslo-recevoir-le-prix-nobel-de-la-paix-2017