Janette Bertrand continue de nous émerveiller par son engagement féministe en toutes ses productions télévisées à titre de scénariste/animatrice/autre depuis les années 50. Ma vie en trois actes dresse en trois heures de télévision le portrait d’une femme courageuse, humaine et attachante qui a façonné l’histoire exemplaire de l’évolution des femmes au Québec. Le féminisme, comme le pacifisme, veut changer le monde : notons sa compassion active d’Artiste pour la Paix envers les Mohawks qui défendaient leur pinède abritant des sépultures autochtones contre un promoteur qui voulait agrandir un golf en 1990. Elle succède en prix hommage à Michel Rivard, Alanis Obomsawim, Raymond Lévesque, Gilles Vigneault, Fabienne Larouche…

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domlebo, Janette Bertrand et le maire Denis Coderre. Photo : Communications Narimane

Pierre Jasmin lui a rendu hommage lors de la cérémonie du 7 avril.

Merci, Sébastien. Tu me présentes comme un vétéran, tu vas faire croire que j’aurais participé il y a 69 ans au manifeste du Refus global qui sonnait le glas de 15 ans de régime clérical duplessiste !

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Le groupe du Refus global

Mais il y a exactement cinq ans, on fêtait le Jour de la Terre avec Dominic Champagne, Artiste pour la Paix de l’année, Frédéric Back et les jeunes cégépiens et universitaires aux carrés rouges. Notre printemps érable a mis fin à neuf années de corruption du gouvernement Charest, avec sa mine d’amiante et sa centrale nucléaire stoppées en 2012 par l’intrépide ministre des Ressources Naturelles Martine Ouellet.

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La manifestation du Jour de la Terre

Il y a deux ans, les APLP participaient à la rédaction de l’Élan global repris par le Leap manifesto de Naomi Klein pour mettre fin à neuf années de Stephen Harper et permettre au Canada de s’illustrer à la Conférence de Paris sur le Climat. On a aussi félicité pour son accueil de réfugiés de guerre M. Trudeau, appuyé par nos deux autres paliers de gouvernements, merci à Philippe Couillard et Denis Coderre.

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En décembre dernier, nous étions présents à l’exposition de neuf jeunes artistes musulmanes organisée par Jean-Daniel Lafond et Nathalie Bondil au Musée des Beaux-arts de Montréal. En médaillon, une photo de la jeune Wuroot Habib exposant des photos de son tapis de prière prises au CÉGEP Dawson. (lire notre article l’art de l’inclusion 2 sur http://www.artistespourlapaix.org/?p=12391)

Aujourd’hui, nous appuyons Amnistie Internationale et les Premières Nations qui veulent une enquête sur le racisme systémique, afin d’améliorer le vivre-ensemble : dans cette même salle, il y a deux semaines et demie, Messieurs les maires Beis et Coderre, en collaboration avec la Fondation Michaëlle-Jean, lançaient une semaine d’actions contre la haine et le racisme.

En 2014, les APLP se sont donc opposés à la Charte des valeurs du Parti Québécois que vous avez appuyée, Janette, par solidarité avec votre amie Pauline Marois. Mais votre opinion et celle de la grande Lise Payette ont alors été contestées de façon virulente par des trolls sexistes et âgistes, condamnant sans nuances vos dénonciations de l’islamisme radical, en vous accusant de racisme anti-immigrant… Comme si on n’avait pas le droit au Québec de préférer des immigrés juifs séfarades et musulmans francophones du Maghreb comme Mohamed Lotfi, plutôt que des salafistes intégristes qui refuseront de s’intégrer.

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Janette Bertrand et Pauline Marois

Ces trolls, les a-t-on aperçus dans la marche d’un quart de million de Montréalais qu’on a organisée en 2003 avec Luc Picard pour empêcher le Canada d’entrer en guerre contre les musulmans d’Irak ? Ont-ils dénoncé comme nous en 2011 les bombardements canadiens de l’OTAN en Libye, qui ont fait tomber les armes de Kadhafi entre les mains de milices djihadistes qui mettent l’Afrique à feu et à sang ? Le Haut-Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU sonne l’alarme ce mois-ci sur la possibilité de 20 millions de morts à cause de ces guerres, et c’est sans compter les dizaines de milliers de naufragés en fuite sur la mer Méditerranée.

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Qui de nos médias, à part TVA et Azeb Wolde-Georghis de Radio-Canada, a relayé la conférence de presse que j’ai présidée en 2013 à la CSN – merci à Gérald Larose ici présent -, après avoir dû changer de lieu en raison de menaces de mort, dont une fatwa koweitienne ? Venant de Syrie où elle travaillait sans relâche à des réconciliations, Mère Agnès-Mariam de la Croix était à Montréal pour nous confier sa détresse face aux mercenaires de l’Armée islamique armés par la CIA et les pétromonarchies, plus violents encore que Bachar el-Assad, et c’est pas peu dire ! Et cette religieuse, empêchée de parole suite au désistement d’un centre chrétien effrayé par des appels à la bombe, a fait sa conférence du soir… dans un centre islamique, quelle exemplaire solidarité pacifiste transcendant les sectarismes religieux !

Ce matin, M. Trump a bombardé la Syrie en décrétant qu’elle était responsable de l’utilisation d’une arme chimique. Rappelons-nous qu’en 2013, une enquête de l’ONU n’avait pu déterminer si Assad était responsable, ou les rebelles à partir d’un stock provenant de la Libye irresponsablement bombardée par l’OTAN.

bertrand_07aJanette raciste ? Voyons donc ! Son féminisme, comme le pacifisme, change le monde. Et ce n’est pas d’hier. Souvenons-nous de sa compassion militante envers les Mohawks qui défendaient en 1990 leur pinède écologique abritant des sépultures autochtones contre un promoteur qui voulait agrandir un golf: j’en parlais la semaine dernière au pianiste de jazz François Bourassa, dont le père premier ministre atteint du cancer a voulu régler cette crise avec la diplomatie du ministre Ciaccia ! C’était grâce à l’influence de femmes sages et courageuses face à l’opinion publique comme vous, Janette, comme les regrettées Janine Sutto et Simonne Monet-Chartrand, comme Alanis Obomsawim qui avait quitté notre conseil d’administration pour aller filmer sur les barricades mohawks. Les femmes de paix Myra Cree et Monique Giroux à Oka, à qui nous avons porté des fèves, des courges et du maïs en symbole de solidarité, engueulaient autant certains Warriors trop violents  que les agents racistes de la Sûreté du Québec. Et nous avons dit merci au patron de l’armée canadienne De Chastelain pour la retenue imposée à ses hommes à Kanesatakeh, avant qu’il parte en Irlande désarmer les milices protestantes et catholiques, parce que ce général-en-chef était peut-être le dernier à comprendre que la paix se fait en désarmant, pas en bombardant…

Les médias qui ont relayé les attaques contre vous, Janette, ont passé sous silence nos alertes signées Dimitri Roussopoulos à notre ministre des Affaires extérieures sur la situation des Kurdes attaqués et par les djihadistes et par la Turquie. Lundi prochain à Ottawa, je suis invité par le ministère des Affaires mondiales à qui je vais reprocher leur boycott de la semaine historique que nous venons de vivre à l’ONU : 132 pays, hélas SANS LE CANADA, ont entrepris des négociations pour éliminer les bombes nucléaires, à l’incitation de 940 membres de l’Ordre du Canada et de 7000 Maires pour la Paix, dont nos amis de Hiroshima! Pas un mot des médias, comme ils ont tu nos pétitions qui dénonçaient les véhicules blindés vendus par l’Ontario à l’Arabie Saoudite en guerre au Yémen et les Superhornets agressifs du ministre de la Défense à cinq, six milliards de $ : ces armes, ne menacent-elles pas les musulmans, prétendument « attaqués » par Janette ?

Pour terminer, compassion est LE MOT-CLÉ pour décrire Janette qui a fait bien plus que parler pour parler : chaque admirable épisode de Ma vie en 3 actes témoigne de son féminisme agissant ayant façonné l’histoire du Québec. Ses émissions télévisuelles populaires n’ont jamais pris de haut les personnes vulnérables, les vieux agressés par leurs familles ou en certains CLSC, les jeunes drogués, les homosexuels sidéens, les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants battus, même les agresseurs désemparés qu’elle réintégrait à la vie ! C’est pourquoi elle a reçu en 1989 le Prix de la santé et du bien-être psychologique de l’Ordre des psychologues du Québec, fut déclarée Femme du siècle par le Salon de la femme de Montréal en 1990 et a reçu l’Ordre national du Québec en 1992 et l’Ordre du Canada dix ans plus tard. Et après le prestigieux Prix du Québec Guy-Mauffette en 2011, voici notre humble hommage 2017. Nous t’aimons très fort, Janette, et voici en 40 secondes pour le dire mieux que moi, un dernier mot d’une personnalité de la télévision, seul autre prix accordé par les APLP en ce domaine en 29 ans…

Sébastien Dhavernas prend le relais pour nous lire le petit mot que Fabienne Larouche a tenu à nous transmettre:

Je suis désolée de ne pas être avec vous aujourd’hui. Toute une primeur, je travaille ! J’aurais tellement aimé être là pour cet hommage à Janette qui a toujours été pour moi une inspiration, non seulement par ses œuvres, mais aussi, et surtout, par son humanité.  Il y a beaucoup d’artistes de talent, mais c’est à cette capacité d’entrer en communion avec le public qu’on reconnaît les plus grands. Pour moi, Janette, dans le petit monde de la télévision, c’est toi la plus grande. Chaque jour, en me mettant à l’oeuvre, et surtout lorsque je rencontre des difficultés – elles ne sont pas rares dans le métier – je me pose la question : « Comment Janette agirait-elle ? ». C’est excellent pour le caractère, je te l’avoue. Avec ce réflexe en tête, je deviens une meilleure femme, avec l’espoir fou de te ressembler un peu plus chaque jour.  La seule petite critique que je me permettrai  de te faire c’est qu’en tentant d’imiter ta résilience, je n’ai pas fini de manquer les rendez-vous comme celui d’aujourd’hui en raison du boulot, puisque tu n’as pas de frein. Paix à toi, Janette, artiste de la Paix, mais surtout artisane des rapports harmonieux, de la compréhension mutuelle et de l’ouverture à l’autre. Je t’aime.

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domlebo, Janette Bertrand, le maire Denis Coderre et Pierre Jasmin. Photo : Ville de Montréal

Quelle émotion de rendre hommage à Janette Bertrand, humaniste et artiste pour la paix, qui nous a confié avoir commencé sa réflexion sur la paix auprès de son père, à l’affût des nouvelles de la Seconde guerre mondiale à la radio. Elle nous a dit avoir alors ressenti profondément une sorte de vocation que la communication entre les êtres était le point de départ essentiel, non pas pour éviter totalement les conflits, mais pour en assurer une issue sinon heureuse, du moins non-violente. Ai-je bien interprété vos paroles, chère Janette ? P.J.