titrait le 3 octobre 2016 l’Agence France-Presse en citant le rapport alarmant de Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable relevant du Parlement canadien.

CNSPhoto-ChalkRiver

Laboratoires et réacteur NRU de Chalk River

Voici la lettre que les Artistes pour la Paix viennent d’envoyer au ministre des Ressources naturelles, Jim Carr, avec la solidarité de plusieurs intervenants.

http://lautjournal.info/20161017/gestion-dangereuse-des-centrales-nucleaires
http://www.artistespourlapaix.org/?p=11974

 

Honorable Jim Carr
Chambre des Communes
Ottawa, ON K1A 0A6
Jim.Carr@parl.gc.ca

Monsieur le ministre des Ressources naturelles,

L’Agence France-Presse (+ Canadian Broadcasting Corporation) a publié le 4 octobre dernier les informations suivantes :

L’inspection des centrales nucléaires canadiennes a montré que dans 75% des cas le cahier des charges sur la surveillance des réacteurs n’était pas suivi, un élément «vraiment inacceptable», a révélé mardi un rapport parlementaire au vitriol. La situation « est assez grave», s’est indignée en conférence de presse Julie Gelfand, Commissaire à l’environnement et au développement durable, qui relève du Parlement.

Au terme de l’audit des quatre centrales nucléaires (19 réacteurs) que compte le Canada, la responsable regrette que la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) « n’a pas pu démontrer que ses plans prévoyaient un nombre suffisant d’inspections. Un tel manque de précision, dans une industrie de précision, est vraiment  inacceptable», a-t-elle dénoncé. «Ce genre d’erreurs n’a pas sa place quand on parle d’une industrie nucléaire».

De même, la CCSN n’a pu faire la preuve qu’elle «disposait des employés dont elle avait besoin pour vérifier que les centrales nucléaires respectaient toutes les exigences applicables ou que les inspections des installations étaient réalisées selon ses propres  procédures».

Elle a relevé également que des inspections, prévues initialement entre 2013 et 2015, avaient été reportées d’une année, voire davantage, en raison du manque de techniciens spécialisés disponibles, mais aussi en raison de l’interruption de certains réacteurs lors des visites.

En outre, a-t-elle regretté, la CCSN a traîné les pieds pour publier les conclusions de ces inspections.

Suite à ce rapport de madame Gelfand, nous avons attendu en vain l’offre de démission qui s’imposait de la part de M. Binder.

Monsieur le ministre, tout comme les signataires d’une première lettre qui vous a été adressée le 11 octobre par le Bruce Peninsula Environmental Group (BPEG), nous croyons respectueusement qu’il est de votre responsabilité d’exiger vous-même cette démission pour le bien public. Sans une telle action, la CCSN restera à nos yeux non seulement inefficace, mais aussi soupçonnée de nier ses problèmes de sécurité, comme on l’a hélas trop souvent constaté par les réponses insatisfaisantes et arrogantes de MM. Michael Binder et Ramzi Jammal à toutes nos préoccupations exprimées au cours des huit dernières années. M. Binder est allé jusqu’à critiquer le Bureau d’Audiences Publiques en Environnement du Québec pour avoir recommandé un moratoire (pas une interdiction!) sur l’exploitation d’uranium; ce moratoire a été obtenu grâce au travail de la nation Crie et de l’organisme Québec meilleure mine, principaux responsables du succès du Symposium international de Québec sur l’uranium au printemps 2015.

On se souvient qu’en 2007, le gouvernement Harper avait commis l’ingérence de démettre arbitrairement de ses fonctions de présidente de la CCSN madame Linda Keen pour sa décision prudente de garder le réacteur Chalk River fermé (1). Elle fut remplacée par M. Michael Binder, sans explications autres que la demande pharmaceutique d’avoir accès à ses isotopes maintenant fournis au Canada par des cyclotrons qui n’ont heureusement pas besoin de fission nucléaire.

Dans l’attente d’une réponse rapide de votre part, vu l’inquiétude suscitée par le rapport alarmant de madame Gelfand, nous vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments d’urgence,

Christian Simard, directeur général, Nature Québec
Gaétan Ruest, Ing, maire d’Amqui
Gordon Edwards, PhD, président, Regroupement pour la surveillance du nucléaire
Lucie Sauvé, PhD, professeure titulaire UQAM, directrice du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté
Louise Vandelac, Ph.D. Professeure titulaire Département de sociologie et Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM
Daniel Gingras, président des Artistes pour la Paix
Pierre Jasmin, vice-président des Artistes pour la Paix et co-fondateur du Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire (MSQN)
Michel Duguay, PhD Yale en physique nucléaire, co-fondateur MSQN
Dorothy Goldin Rosenberg, MES, PhD, Environmental& Ecosystem Health Lecturer, U of Toronto
Guylaine Maroist, cinéaste de Gentilly or not to be
Derek Paul, PhD, co-founder of Science for Peace
Dr Cathy Vakil, MD, Kingston, Canadian association of Physicians for the Environment (CAPE)
Mike Wilton, Algonquin Eco Watch
Jacques Dagenais, consultant
Jacques Boucher, Regroupement pour la Surveillance du Nucléaire
Marc Fafard, porte-parole Sept-Îles Sans URANIUM (SISUR)
François Lapierre, Association de Protection de l’Environnement des Hautes-Laurentides (APHL).
Bryan Smith, Oxford Coalition for Social Justice


(1) The commission, headed by Linda Keen, ordered the reactor to close on Nov. 18, 2007 over safety concerns. The Conservative government blamed the commission’s intransigence for creating a crisis (shortage of medical isotopes). And Prime Minister Stephen Harper pointed a finger directly at Keen, a career bureaucrat whom he referred to as “a Liberal appointee”: « the course of action contemplated was extremely ill advised, an appalling use of authority and judgment, » Harper told CBC News in December. A ministerial directive on Dec. 10 ordered the CNSC to reopen the site. The agency refused, insisting a backup safety system be installed to prevent the risk of a meltdown during an earthquake or other disaster. On Dec. 11, an emergency measure, passed through the House of Commons, overturned the watchdog’s decision, and the reactor was restarted for a 120-day run on Dec. 16.

In a Dec. 27 letter to Keen leaked to the Ottawa Citizen newspaper, minister of National Resources Gary Lunn questioned her judgment for recommending the reactor be shut down and informed her he was considering having her removed from the post. Keen responded with an eight-page letter accusing Lunn of improper interference and threatening to fight in court any attempt to remove her from her job. She also said she had asked the privacy commissioner and the RCMP to investigate how Lunn’s letter was leaked to the media. Liberal Natural Resources critic Omar Alghabra said Lunn was making history by « crossing the line » with his « blatant political interference » in a quasi-judicial tribunal. Liberal MP David McGuinty accused the Conservatives of U.S. Republican-style tactics by dismissing Keen in the « dark of night, » just hours before she was due to testify before the Commons committee. Keen, who became head of the commission in 2001, had been serving her second five-year term as president. Appearing before a parliamentary committee Jan. 16, 2008, Lunn refused to cite one example of what Linda Keen had done wrong in her job, only that she had lost the confidence of the government. Assistant deputy industry minister Michael Binder was named as interim president.

La lettre a été envoyée au ministre avec la chronologie suivante [mais sans les détails racontant l’engagement des APLP : si on reste modestes devant les autorités, on tient à ce que nos membres sachent à quoi leurs redevances annuelles sont employées]!

18 novembre 2007 – La commission, avec à sa tête madame Linda Keen, ordonne la fermeture du réacteur de Chalk River par mesure de sécurité. Le gouvernement conservateur accuse aussitôt la commission d’« intransigeance » coupable de provoquer une crise d’approvisionnement d’isotopes médicaux. Le Premier ministre Stephen Harper, interviewé sur CBC News, pointe directement un doigt vers madame Keen en la qualifiant de « nomination libérale » dont « le cours d’actions extrêmement mal avisé résulte d’une terrible utilisation de son autorité et de son jugement » [On ne peut qu’y voir un effet de miroir assez sensationnel!].

10 décembre – Une directive ministérielle ordonne à la CCSN de rouvrir la centrale. L’agence refuse en insistant qu’un système de sécurité de sauvegarde soit d’abord installé pour prévenir tout risque de fusion due à un tremblement de terre ou autre désastre.

11 décembre – Une mesure d’urgence, votée par la Chambre des Communes, renverse arbitrairement la décision prudente du chien de garde nucléaire.

16 décembre – Le réacteur est alors autorisé à redémarrer pour une période de 120 jours.

Pierre Jasmin (président des APLP) et Louise Vandelac (directrice de l’Institut des Sciences de l’Environnement) suspendent leurs corrections d’examens pour réfléchir à une façon de contrer un tel coup d’état s’arrogeant le droit de dicter sa conduite à une commission scientifique, au détriment de la sécurité des citoyens.

Suit une intense période de quelques jours de réflexion pour trouver le thème principal GUERRES ET ÉCOCIDES qui mène à diverses convocations pour une série de huit conférences scientifiques aptes à sonner l’alarme face à de telles ingérences politiques jugées inacceptables et pour dénoncer le secret, voulu par les autorités, qui entoure à la fois le nucléaire civil et militaire.

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Pierre présente Guylaine Maroist, cinéaste de Gentilly or not to be, à Dany Laferrière fêté au Musée des Beaux-Arts de Montréal pour son élection à l’Académie Française (photo 2015)

En plus de préparer chacun une conférence, Pierre et Louise mobilisent trois savants de Pugwash Canada dont le physicien émérite Derek Paul de l’Université de Toronto, Walter Dorn et Adele Buckley + l’urgentologue Éric Notebaert (tout juste au parfum de l’enquête allemande sur la pollution des centrales nucléaires qui allait déclencher leur fermeture en 2011), + madame Aude Fleurant qui travaille maintenant en Suède pour le SIPRI mais alors recommandée par le regretté professeur Yves Bélanger + Dimitri Roussopoulos, pacifiste reconnu + Michelle Nevert (présidente du syndicat des professeurs de l’UQAM). Madame Vandelac réserve le grand auditorium du pavillon Pierre-Dansereau, rue Sherbrooke, que Dany Laferrière, ami des APLP, trouvera le talent d’animer devant plus de trois cents spectateurs.

Plusieurs étudiantEs bénévoles en environnement conçoivent l’affiche suivante imprimée à quelques dizaines d’exemplaires, tout cela avant la fermeture de l’université pour les vacances de Noël.

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27 décembre – Le ministre conservateur des Ressources naturelles Gary Lunn remet en question le jugement de madame Keen et l’informe qu’il songe sérieusement à la renvoyer du poste de présidente de la CCSN, dans une lettre qui se retrouve aussitôt dans les pages du journal Ottawa Citizen.

Madame Keen devenue présidente de la Commission en 2001 et ayant entamé depuis un an son deuxième mandat quinquennal, répond au ministre par une lettre de huit pages qui l’accuse d’interférence inappropriée et menace de se battre en cour contre toute tentative de lui retirer son poste. Elle demande en outre au Commissaire de la vie privée et à la Gendarmerie Royale du Canada (RCMP) d’investiguer sur comment cette lettre qui lui est adressée s’est retrouvée dans les journaux. Le critique libéral des Ressources naturelles Omar Alghabra croit que le ministre a commis par sa « flagrante intrusion politique » une faute historique puis le député libéral David McGuinty accuse les Conservateurs d’emprunter les tactiques des républicains américains en renvoyant madame Keen à « la faveur de la nuit », juste quelques heures avant son témoignage devant le comité de la Chambre des Communes.

16 janvier 2008 – Le ministre Lunn refuse de citer un seul exemple de reproche à madame Keen, mentionnant qu’elle a seulement perdu la confiance du gouvernement, alors que Michael Binder est nommé président intérimaire.

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La centrale nucléaire de Pointe-Lepreau au Nouveau-Brunswick

De 2008 à 2012, en co-fondant le Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire, les Artistes pour la Paix mèneront au Québec le combat contre la centrale Gentilly 2 et contre l’achat par Hydro-Québec de la centrale de Pointe-Lepreau, calculant avoir épargné aux contribuables québécois la somme de neuf milliards de dollars …et beaucoup d’insécurité.

Hélas, la situation est inquiétante en Ontario et aux États-Unis. On compte sur Gordon Edwards, président du Regroupement pour la surveillance du nucléaire, pour confronter les pratiques dangereuses des pro-nucléaires, en particulier du projet d’acheminer du plutonium de Chalk River vers les États-Unis, avec le danger de déversement de camions et de potentielle attaque terroriste.

On peut l’encourager en écrivant à ccnr@web.ca.