L’événement

Un homme de 25 ans d’origine algonquine, Sandy Tarzan Michel, est mort lors d’une opération de la police locale menée à Lac-Simon, en Abitibi-Témiscamingue, mercredi soir le 6 avril 2016. Des agents de la communauté autochtone ont été alertés vers 19 h 30, l’individu arpentant les rues en brandissant une arme blanche. Il aurait été happé par une autopatrouille dépêchée sur les lieux et des coups de feu auraient été tirés par la suite dans des circonstances qui restent à être établies. Le suspect à l’état jugé critique a été transporté en ambulance au centre hospitalier de Val d’Or, où sa mort a été confirmée jeudi matin par la Sûreté du Québec.

Michel Oligny, ancien policier de la Sûreté du Québec, qui s’était rendu dans la communauté située à une trentaine de kilomètres de Val-d’Or après la mort en service du policier Thierry LeRoux le 13 février dernier, explique que toute l’opération a débuté après un appel pour violence conjugale. «Ils ont tout fait pour maîtriser ce monsieur-là, avec leur voiture même. Parce qu’il avait une machette, il frappait. Et on se rappelle, il y a cinq ou six ans, lorsque le policier avait dû abattre le frère de ce monsieur-là, c’était des circonstances à peu près semblables. »

Suite à l’intervention des policiers, un groupe d’individus a tenté de s’en prendre aux policiers de Lac-Simon. « J’étais traumatisée, lance une femme autochtone qui a assisté aux événements qui ont coûté la vie à Sandy Tarzan Michel. Il y avait beaucoup de monde qui voulait attaquer les policiers, c’était comme une grosse bataille. »

Le drame a choqué et attristé la communauté algonquine. « Il avait juste 25 ans, 25 ans! C’est grave, ça. Ce n’est pas rien, il faut faire de quoi » lance Lucien Wabanonik, membre de la communauté de Lac-Simon, comme George Wawatie, aussi attristé par ce drame : « J’ai pleuré, confie-t-il. [Je suis] parti courir avec eux autres puis… il y avait beaucoup de monde… J’ai prié pour sa famille et pour lui. »

C’est la Sûreté du Québec qui est venue en assistance porter main forte, mais il faut savoir que trois personnes avaient été arrêtées auparavant, des hommes entre 25 ans et 35 ans. Ils vont comparaître par voie téléphonique ou au palais de justice de Val-d’Or, sous des accusations possibles de menaces envers les policiers de Lac-Simon, a dit le porte-parole de la Sûreté du Québec, Benoît Coutu.

Citoyens réunis

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Une centaine de citoyens de Lac-Simon se sont rassemblés à la salle communautaire de la communauté pour discuter de la mort de Sandy Tarzan Michel. Photo Luc Berthiaume, ICI Radio-Canada

Une centaine de membres de la communauté de Lac-Simon se sont rassemblés jeudi après-midi pour discuter du drame survenu la veille. Des représentants du Conseil de la Nation Anishnabe de Lac-Simon, dont la vice-chef Paméla Papatie, étaient aussi sur place. Les journalistes ont été priés de sortir de la salle et il n’a pas été possible de recueillir des réactions à l’issue de cette rencontre.

Une marche est par ailleurs organisée vendredi après-midi dans la communauté de Lac-Simon car les membres ressentent le besoin de se rassembler de se soutenir mutuellement après les événements survenus mercredi soir.

Samian

« J’en ai marre de voir à quel point l’alcool et la drogue ravagent nos communautés »

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Le rappeur Samian. Photo Laurence Dompierre-Major, Radio-Canada

Samian lance un cri du cœur contre l’alcool et la drogue dans les communautés autochtones.  Après cet évènement de mercredi, tout comme il l’avait fait dignement pendant son discours d’acceptation du prix de l’Artiste pour la Paix de l’année le 15 février dernier à la Mairie de Montréal, le chanteur a invité les autochtones à se tenir debout et à être dignes. Il a refusé d’accorder des entrevues dans les médias, mais a publié un texte intense sur son compte Facebook qu’il autorise les APLP à publier aujourd’hui.

Je suis triste … en colère … déçu …

J’en ai marre de voir à quel point l’alcool et la drogue ravagent nos communautés ! J’entends tellement de jeunes se plaindre que les blancs nous font ci, nous font ça … Alors qu’on se fait plus de mal entre nous que les soi-disant « blancs »… Ce n’est pas une question de couleur, mais d’honneur ! Nos parents ont souffert, nos grands-parents ont vécu les pensionnats, nos arrières grands-parents ont vécu la colonisation et nos ancêtres ont versé du sang pour nous!

Et nous ? Quel exemple on donne à nos enfants ? Ça fait des années que je me bats pour montrer, une belle image optimiste de nos communautés, mais à chaque fois que j’y retourne, je constate que la situation est terrible ! J’en ai marre de voir des adolescents briser leur rêves avec du poison ! On se dit fier de notre culture mais on ne le montre pas ! On se dit guerrier mais on ne se bat pas ! L’alcool et la drogue embrouillent l’esprit …

Pensez-vous vraiment que nos ancêtres avaient besoin de ça !? Pensez-vous vraiment qu’ils seraient fiers de nous !? Tu n’es pas un amérindien parce que tu sais boire une caisse de 24! Un amérindien, ça se tient debout ! Pas à 4 pattes ! Il est temps qu’on se lève ! Qu’on se réveille !

Vous voulez voir du changement ? Soyons le changement ! Soyons dignes de se dire « autochtones » et arrêtons de s’apitoyer sur notre sort ! Le combat est loin d’être terminé … »

L’artiste a déjà raconté comment son propre père (un blanc) s’était auto-détruit par l’alcool et la drogue…

Chassons les vendeurs de drogue!

L’avocat Marc Lemay pointe aussi du doigt le manque de leadership et la vente de drogue pour expliquer le drame de mercredi soir à Lac-Simon. M. Lemay est le bâtonnier de l’Abitibi-Témiscamingue, il a déjà été critique en matière d’Affaires indiennes et du Nord canadien et membre du comité parlementaire sur les Affaires autochtones et du développement du Grand Nord alors qu’il était député du Bloc québécois.

« Dans les communautés autochtones où il y a un manque de leadership, c’est des choses comme ça [qui arrivent] et ce n’est pas fini. Il va s’en produire d’autres. [Quoi faire?]J’ai vu et assisté, dans des communautés autochtones, où on a pris les vendeurs de drogue et on les a mis dehors de la communauté. Ça, ce sont les communautés qui se sont tenues debout! »

Soutien offert par le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or

Le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or s’attend à un achalandage plus important au cours des prochains jours de la part des membres de la communauté de Lac-Simon.

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Le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or

Des ressources supplémentaires avaient déjà été mises en place depuis le mois d’octobre au Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or afin de soutenir les membres de la communauté de Lac-Simon, soutient la directrice Édith Cloutier. Des ressources qui avaient été mises en place suite aux allégations par des femmes autochtones de Val-d’Or et des communautés voisines, d’abus sexuels de la part des policiers. On a des ressources de première ligne, des travailleurs sociaux, mais on a aussi les services de Chez Willy, aussi un lieu de répit où les gens peuvent aller rencontrer les intervenants sur place. C’est notre façon de contribuer et de soutenir les gens du Lac-Simon, la communauté du Lac-Simon et le Centre de santé.

La directrice du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, Édith Cloutier, a rappelé que les communautés autochtones du Canada vivent dans des conditions difficiles et que cela peut mener à des drames comme celui d’hier.

Les artistes pour la Paix déplorent ne pouvoir vivre que sur des cotisations totalisant à peine trois ou quatre mille dollars par année : avoir un budget digne, on aurait pu envoyer Samian par avion pour réconforter la communauté de Lac-Simon. P.J.