Pâques, Ramadan, Pessah 2022

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Laure Waridel et Anaïs Barbeau-Lavalette, instigatrices du mouvement Mères au front. Photo : Robert Skinner/La Presse

Un 8 mai festif mais revendicateur

Le poème Stabat mater, tiré de la plume d’un moine franciscain inspiré du salut à la Vierge-Mère créé par Saint-François d’Assise peu avant sa mort en 1226, sera mis en musique par entre autres Palestrina, Bach, Vivaldi, Mozart, Liszt et Dvořák. En 1945, la conférence de San Francisco accouche de l’ONU et en mars 2013, un pape argentin jésuite prend le nom de François, pour ses attachements au vœu de pauvreté et à la capacité évangélique du sourire de bonté, décriés par l’extrême-droite et l’Opus Dei.

Le film « L’Acte de beauté » fait connaître Sageterre, création écologique de l’écrivain-agriculteur Jean Bédard qui nous envoie régulièrement ses textes inspirés par la paix. Il faut mentionner ce précurseur, puisque le mouvement Mères au front naît d’actions mues par l’idéal écologique des artistes pour la paix Laure Waridel et Anaïs Barbeau-Lavalette : elles nous donnent rendez-vous le 8 mai pour manifester notre vif désaccord face à nos gouvernements.

Si Legault doit être remercié pour avoir fait du Québec le premier État au monde à mettre fin à la recherche et à la production d’hydrocarbures ainsi qu’à leur financement public, suite à la jonction de son gouvernement à l’alliance internationale Beyond Oil and Gas Alliance (BOGA) lors de la COP 26 (ONU), un projet de loi de son ministre Julien prévoit hélas des indemnisations de $100 millions de dollars aux compagnies détenant des permis de forages : elles n’y ont pas droit, vu leurs activités polluantes criminelles. D’autre part, le 3e lien n’est pas la seule horreur écologique qui anime la CAQ : en témoigne la crise du caribou forestier dont le ministre des Forêts a tenté de rejeter la faute sur les autochtones, alors que les coupes de bois accordées à des industries irresponsables sont clairement coupables, selon deux films documentés de Richard Desjardins et diverses recherches des Universités du Québec.

Quant à Trudeau, ses gaspillages tout récents d’au moins $60 milliards envers le pipeline TransMountain, le gazoduc en territoire Wet’suwet’en, le gisement de pétrole Bay du Nord au large de Terre-Neuve et surtout ses infâmes chasseurs-bombardiers guerriers F-35, montrent combien il tourne le dos à l’idéal écologique, encore soutenu par les paroles hypocrites du ministre Steven Guilbeault.

15 avril : Stabat mater dolorosa

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En l’imposante église St Jean-Baptiste de la rue Rachel à Montréal (la photo ci-haut date de 2016), le traditionnel événement du Vendredi Saint, tenu chaque année depuis 1985 – à l’exception des deux dernières éprouvées par la COVID – rassembla deux cent soixante choristes de l’UQAM et de l’École Joseph-François Perrault sous la direction de Pascal Côté. Véritable exploit de sa part de réunir, par la discipline de répétitions hebdomadaires à la Place des Arts, deux cents écoliers à qui il enseigne aussi la littérature musicale, l’histoire de la musique, ainsi qu’écriture et création! L’exploit de ce jeune chef innu a certes été de les motiver cette année à travailler encore de concert avec leurs aînés de l’UQAM, malgré le doute à savoir si la COVID allait interdire la réalisation du fruit de leur rêve. Il les a aidés en plus à surpasser le traumatisme subi en novembre d’un des leurs tué par arme à feu. Nul besoin d’une imagination d’artiste pour compatir à la douleur de la mère du jeune Thomas.

Infirmières mondiales et mères ukrainiennes sacrifiées

Partout dans le monde, plus de deux ans de pandémie mondiale ont multiplié des mères affligées soignées par des infirmières debout à leurs côtés, souvent elles-mêmes mères, bousculées par des heures supplémentaires imposées, car nos hôpitaux se remplissent à nouveau de façon périlleuse, en négation du principe d’immunisation collective que je contestais chez le fameux Raoult. Quel réconfort en ce 15 avril 2022 de constater comment chaque membre du chœur portait le masque et respectait une distanciation responsable, malgré des effets collatéraux négatifs tels l’impossibilité pour l’Orchestre de la Société Philharmonique de se joindre au concert, faute de place, et l’évanouissement de deux choristes, sans que leurs voisines aient pu les retenir : hyperventilation ou contrainte physique d’une œuvre de 92 minutes les obligeant à être debout, tournées vers leur chef à l’exigence artistique si intense que le concert a continué à se dérouler imperturbable ? Peu dans l’assistance, surtout pas le chef d’antenne de TVA bientôt retraité Pierre Bruneau, ont omis de faire un autre lien (musique re-lig-ieuse oblige) avec les femmes martyres ukrainiennes. On sait gré de la sobriété qui a empêché quiconque de le souligner par de disgracieux déploiements patriotiques de drapeaux ukrainiens, respectant ainsi la maturité d’un auditoire dont la forte émotion palpable n’avait nul besoin de recourir à de tels artifices, la grande musique chorale remplissant cette vocation adoptée dès 1985 par les regrettés fondateurs du chœur UQAM, Sr Marcelle Corneille et Miklos Takacs.

Quant à la guerre en Europe de l’Est, on permettra au pacifiste encore publié le 16 avril sur quatre continents par Pressenza – mais jamais dans nos journaux canadiens main stream – de soutenir qu’elle n’est pas inéluctable, comme veulent nous le faire croire les militaristes de l’OTAN et de la Russie, imposant aux médias leurs propagandes meurtrières. En soutien à ma conviction, j’évoquerai brièvement l’expérience de quatorze étés d’enseignement en ce qui fut d’abord la Tchécoslovaquie communiste, réticente à vanter leur compositeur (national !) d’un chef d’œuvre religieux, qui en outre avait terminé sa vie aux États-Unis pour écrire la Symphonie du Nouveau Monde !

havelQui, parmi les féroces anti-communistes, allait croire que du jour au lendemain, on verrait ce fabuleux miracle du passage d’un écrivain prisonnier dans une geôle communiste au fauteuil présidentiel, à l’instar de Nelson Mandela en Afrique du Sud ? Le dramaturge pacifiste Vaclav Havel allait ensuite laisser la Slovaquie se séparer sans une seule goutte de sang versé. Pourquoi donc serait-ce utopique (et interdit par la censure !) de croire que le président Zelensky devrait sacrifier au bénéfice de la paix l’autonomie du Donbass et du Louhansk, ainsi que le détachement de la Crimée, selon un référendum qui l’a voté
à 90% ?

Un chef d’œuvre musical admirablement servi

C’est par l’éloquence du professeur émérite en musicologie Claude Dauphin que le concert s’est ouvert, nous guidant aussi, à l’aide de diverses pages de notes, vers une compréhension musicale éclairée de la signification des tonalités des dix sections du Stabat Mater. Son explication de la version pour piano du compositeur-même amoindrissait la déception de ne pas trouver l’orchestre au rendez-vous, d’autant plus que la jeune accompagnatrice Ariane Benoît Bastien livra une performance exceptionnelle soulignée par les remerciements démonstratifs et totalement mérités du chef.

Claude félicita les efforts d’organisation de la part des directrices de production Vo Ho-Thuy et Thérèse Darveau, avant d’aborder le contexte de la première œuvre religieuse du compositeur éprouvé par la cruelle mort de son fils et de ses deux filles à moins de deux ans d’intervalle : il nous laissa ainsi mesurer l’héroïque effort moral gravissant les marches des premières lamentations à la « finale représentant l’image du Christ en majesté accueillant l’élu au paradis ». Cette finale exultée, rythmée de répétitions « d’un amen quasi-polyphonique » répercuté par les solistes et par chaque section du chœur, m’a fait penser à la musique de Morricone dans les images baroques du film Mission !

On ne peut clore cette recension sans noter la totale abnégation au pur message musical communiqué à des solistes oubliant toute vanité lyrique personnelle pour servir ensemble l’œuvre, du baryton Alexandre Sylvestre au ténor Steeve Michaud, en passant par la mezzo-soprano Geneviève Lévesque glorieusement enceinte, jusqu’à Myriam Leblanc qui apporta l’éclat transcendant de son timbre soprano aux Amen finaux ainsi devenus moins dépendants de la trompette.

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Pascal Côté et ses élèves de l’école Joseph-François-Perreault

Et comment retenir notre admiration totale du métier du chef Pascal Côté, maîtrisant désormais une chironomie où main gauche sculpte les émotions, sa totale maîtrise des tempi assurée par une main droite souveraine, car le voici parvenu à une maturité exceptionnelle qu’il faudrait récompenser en l’invitant à diriger aussi à l’occasion l’OSM et l’Orchestre Métropolitain, pour qu’un public plus étendu découvre son immense talent.